La démocratisation de Polytechnique pour les nuls...
Dans Le Monde du 2 janvier 2013, article de Benoît
Floc’h sur le recrutement de l’Ecole polytechnique, « Un coup d’épée
dans l’élitisme ».
L’auteur s’ébaubit parce que, de 2007 à 2012, le nombre de boursiers
reçus au concours y est passé de 7 à 13 % (après « une pointe à 17 % en
2011 », ce qui n’empêche pas que « le nombre d’élèves boursiers ne
cesse d’augmenter ») ; il se désole en même temps d’un résultat très
insuffisant, puisque l’université, elle, n’en a pas moins de 35 %.
La faute en revient au fait que « le concours est
républicain, c’est-à-dire qu’il traite tout le monde sans faire de
différence »*, ce qui est logique dans « un pays passionné par l’égalité »*,
mais évidemment ne peut qu’être favorable à la bourgeoisie et autres catégories
privilégiées (« A l’Ecole polytechnique, citadelle républicaine qui forme
l’élite bourgeoise depuis des lustres […], le recrutement reste socialement très
déséquilibré. »).
On constate donc que Benoît Floc’h n’hésite pas à faire l'apologie de la haine de
classe et à prêcher la remise en cause de tous les privilèges.
Qu’on se rassure
: les lecteurs du Monde font partie des catégories sociales qui alimentent l’Ecole
polytechnique avec leurs rejetons, donc, les risques d’embrasement restent
limités.
Ce qui est désolant dans cet article, ce n’est pas sa double
pensée, mais l’incapacité de l'auteur à traiter correctement le sujet, à
informer véritablement ses lecteurs, par delà une série de lieux communs sans grand intérêt.
Le fond du raisonnement est absurde :
il met en balance « l’Ecole polytechnique » et
« l’Université ». Il semble vouloir dire que des boursiers
remarquablement doués qui seraient normalement allés à l’Université se
seraient, dans ces dernières années, avisés de l’existence de l’Ecole
polytechnique, se seraient dit : « Pourquoi pas moi ? »
(« Halte à « l’autocensure » ! ») et, last but not
least, auraient réussi le concours.
Cela relève du conte de fées pour adultes consentants.
Il
est bien évident que des élèves boursiers assez brillants pour être reçus à
Polytechnique ne sont pas allés à l’Université : ils sont allés dans une
classe préparatoire scientifique, avec une bonne perspective d’être admis
dans une école d’ingénieur (sans parler de celles qui recrutent sur dossier).
Et pour certains d’entre eux qu’ils ont passé le concours de Polytechnique à
côté d’autres concours moins prestigieux. L’alternative n’est pas « Polytechnique/Université »,
mais « Polytechnique/autre école d’ingénieur ».
Dans ces conditions,
est-ce que la variation du nombre des boursiers reçus à Polytechnique est
significative ? Probablement pas. En tout cas, pas sans qu’on dispose des
données concernant les classes préparatoires et les résultats des autres écoles
d’ingénieurs.
De telles interrogations sont manifestement au-dessous de
l’entendement d’un journaliste français spécialisé dans l’éducation. Les
siennes (comment mettre fin à l'élitisme) sont beaucoup plus haut de gamme...
NOTES
* citations approximatives
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire