vendredi 11 janvier 2013

28 François George sur Maurice Thorez


Les origines sociales de Maurice Thorez, selon François George







Références :
*François George, Pour un ultime hommage au camarade Staline, Julliard, 1979, chapitre 2, p. 41.
* « Maurice Thorez » dans le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier


Le livre de François George est dans l’ensemble intéressant et ouvre de large perspectives sur l’interprétation du communisme, mais des assertions discutables lui viennent parfois sous la plume.

Par exemple, dans le chapitre consacré à « La critique de l’amour », il évoque 

...l’idée opportunément exprimée par Maurice Thorez : « Les mères ont fait aimer à leurs enfants le nom de Staline. » Ce n’est pas une simple niaiserie, le « fils du peuple » sait de quoi il parle4 : cela veut dire que la mère, usant du pouvoir qui est le sien en vertu de l’adage latin mater certissima, pater semper incertus, indique à l’enfant l’identité de son père symbolique, autant dire de son vrai père, Staline.
4. Il était lui-même, sur le plan symbolique - le seul qui compte - fils de mineur, c’est-à-dire fils du représentant le plus pur du Prolétaire « en soi » (en fait, il était le fils « illégitime » d’un boucher).

Cette note contient une déformation, à peine sensible, de la réalité, mais qui relève tout de même de la distorsion, volontaire ou involontaire. Quelle impression en tire-t-on en effet ? Celle que Maurice Thorez a menti à propos de ses origines. Au sens strict, François George ne profère pas cette accusation (peu originale) ; mais un lecteur connaissant mal la biographie de Maurice Thorez s’y laisse facilement conduire. Que Thorez ait des tas de choses à se reprocher est une chose ; est-ce une raison pour lui faire en plus ce reproche-là ?

Je propose donc en parallèle un texte élaboré indépendamment de cette controverse :

Le personnage marquant de sa jeunesse fut son grand-père [...], mineur socialiste (guesdiste) de Noyelles-Godault. Embauché à la fosse 4 de Dourges de 1891 à 1914 [...] il était un actif militant [syndical et …] restera jusqu’à sa mort, le 31 avril 1931, l’animateur de la section C.G.T. des vieux pensionnés de Noyelles-Godault. C’est lui qui déclara la naissance de Maurice, enfant naturel que sa fille avait conçu avec Henri Breton, le fils de l’épicier du pays. Refus d’un des deux amants ? Réticences des familles ? La liaison n’avait pas débouché sur un mariage […]. Le jeune Maurice ne connut que tardivement le secret de sa naissance. Il avait en effet été reconnu à 2 ans et demi par Louis Thorez, un mineur qui l’éleva comme son propre fils. Lorsqu’en 1930, Le Populaire fit pour la première fois allusion à ses origines non ouvrières, Thorez répliqua en rappelant que son père Louis Thorez travaillait à la fosse 4 des mines de Dourges depuis 1907 et était syndiqué à la CGTU.

On peut se demander pourquoi François George met illégitime entre guillemets et pourquoi il n’explicite pas la formulation quelque peu ampoulée de sa note. Il aurait pu dire, en somme, si on suit la notice : « Thorez était le fils naturel de la fille d’un mineur et du fils d’un petit commerçant (épicier ou boucher ?) ; il a d’abord été élevé dans la maison de son grand-père maternel, mineur ; il a été adopté par son beau-père, mineur. »

Il ne s’agit pas de quelqu’un qui aurait vécu une enfance petite-bourgeoise, qu’il aurait fait par la suite passer pour une enfance ouvrière. Il a eu une enfance ouvrière dans des familles de mineurs. J’ajouterai que l’expression « Il était […], sur le plan symbolique - le seul qui compte - fils de mineur » est tout à fait inappropriée : une adoption n’est pas « symbolique », c’est un acte de droit parfaitement positif.

Il me semble que François George jette ici sans fondement la suspicion sur les origines de Maurice Thorez et que cela relève d’une rhétorique quelque peu stalinienne (ou, plus généralement, totalitaire), tout à fait injustifiée, même à l’encontre des pires staliniens.

On pourrait aussi s’interroger sur le caractère de « l’accusation » du Populaire, qui me semble relever de l’abjection. Mais je ne dispose pas d’éléments suffisants pour développer se point.

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